L'importance de la souveraineté intellectuelle

Avertissement: Le souverainisme est une idéologie politique. Ce n'est pas l'objet de cet article.

La souveraineté est l'exercice du pouvoir sur un territoire et une population. L'idée de souveraineté intellectuelle défendue ici se veut être le développement de la connaissance objective et personnelle comme outil du libre-arbitre.

Le concept se rapporte à la capacité individuelle de penser de manière autonome et de prendre des décisions basées sur ses propres raisonnements plutôt que sur ceux des autres. Cela implique la liberté de pensée, d'expression et de choix.

La capacité de penser de manière autonome permet à un individu de comprendre le monde qui l'entoure et de prendre des décisions en fonction de ses propres valeurs et de ses aspirations plutôt que d'adopter simplement des idées ou des modes de pensée qui sont imposés par les autres.

À l'échelle d'une société, si les gens ne sont pas capables de penser de manière autonome, ils peuvent facilement être influencés. Cela peut entraîner une désinformation, une manipulation et une perte de confiance dans les institutions et les autorités. En revanche, si les gens sont capables de penser de manière autonome, ils peuvent être plus critiques et plus aptes à remettre en question les idées reçues, à considérer une gamme plus large de perspectives et à résoudre les problèmes de manière plus efficace.

Charge mentale et exercices intellectuels

Les interdépendances de nos systèmes d'information et les processus toujours plus importants quant à leur intégration dans nos vies quotidiennes incitent à penser que l'équilibre mental, face à la charge d'informations que nous rencontrons, ne peut passer que par une confiance, parfois aveugle, en ces systèmes et en leurs intentions. Dans ce contexte, la souveraineté intellectuelle est progressivement dénigrée, car elle irait à l'encontre des libertés et de la paix mentale qu'offre la simplification des concepts qui régissent les technologies et la consommation que nous avons. La connaissance et sa recherche seraient-elles devenues superflues ?

Conséquence directes d'un perte de souveraineté intellectuelle

Un souverain, c'est quelqu'un qui est autonome et indépendant. On est souverain chez soi, pour ce qui doit s'y passer. La souveraineté en est donc une méthode. C'est avoir les commandes en main. La direction que l'on prend avec ces commandes est une seconde étape, mais on ne peut la choisir que si l'on a les commandes. La souveraineté intellectuelle est donc fortement liée à la notion de vie privée et à la liberté. Comment prendre des décisions qui préserveront l’intérêt d’un souverain si les informations acquises sont déléguées à des “sources” subjectives ?

Plusieurs exemples viennent illustrer à l'échelle de l'individu cet abandon de souveraineté intellectuelle :

  • lorsque qu'un argument est développé sur l'unique base d'un titre brièvement lu
  • lorsque chercher une source est "trop long"
  • lorsque la pensée critique ou complexe est "une prise de tête"
  • lorsque "chacun pense ce qu'il veut" comme pour évacuer un propos qu'il serait inconfortable, pour ses croyances, à débattre

Ces comportements actent la délégation du savoir à l'étranger. C'est délaisser la pédagogie, la vérification et l’objectivité. C'est perdre la souveraineté intellectuelle.

La simplification excessive

L'utilisation des systèmes d'information tels que les médias de masse, les réseaux sociaux ou encore les communications gouvernementales a ceci de commun qu'ils sont tous conçus pour une consommation rapide de l'information. Cette vitesse est rendue possible par la simplification, parfois à outrance, des propos. Paradoxalement, la société fait aujourd'hui face à une évolution du rapport de chacun avec l'information elle-même. Si une idée demande plus de 10 minutes de concentration pour être comprise, c'est qu'elle est trop complexe et qu'elle ne mérite pas l'attention. Ceci laisse peu à peu la place à une certaine paresse intellectuelle qui favorise la croyance. Le reflet de ce phénomène, c'est que nous sommes bombardés de slogans, de messages courts ultra-simplifiés qui visent à occulter toutes les alternatives existantes sur un sujet pour n'en fournir qu'une seule. C'est une forme de mensonge et de manipulation qui consiste à annihiler l'esprit critique en le privant de toute intelligence. C'est un problème important. L'aborder sans placer l'apprentissage et le savoir au centre de nos expériences nous détourne de penser de manière juste et correcte.

Il n'est pas question ici de politique ou de religion, mais d'intelligence. L'intelligence est l'aptitude à s'adapter, à choisir des moyens d'actions en fonction des circonstances, c'est-à-dire comprendre, réfléchir et connaître pour arriver à ses fins lorsque les circonstances changent.

Autrement dit, et sur un ton plus direct, si l'on s'adresse à votre bêtise, vous serez bête. Il y a des professionnels de la bêtise à la télévision. Si l'on s'intéresse à votre intelligence, c'est qu'on s'adresse à elle, donc vous serez intelligent.

Parlant de la télé-réalité donc:

Je pense que c'est grave. Je pense que c'est très grave. Pas vous mesdammes, je sais que vous êtes formidables, mais je pense que d'en arriver là ! À un moment j'aimerais bien que, de temps en temps sur les grandes chaines, à des heures comme ça, on voit des gens, je sais pas, brillants, qui nous inspirent quelque chose, qui ont un truc de plus que nous, qui nous filent envie de comprendre des trucs sur le monde, sur ce qu'on est. De mettre en scène comme ça le discours abscons et la médiocrité ça me saoule. Voilà!

Suite à quoi une autre invité (ayant joué dans une télé-réalité) l'apostrophe pour sous-entendre qu'Alexandre Astier considère les acteurs ou les télé-spectateurs comme "débiles" juste parce qu'ils ne veulent pas "se prendre la tête chaque soir" alors qu'ils souhaitent se "libérer" :

Ne confondons pas "essayer de voir quelque chose de brillant" et se prendre la tête. On peut pas simplement ranger tous ceux qui réfléchissent dans le clan de ceux qui se prennent la tête. C'est quand même un amalgamme très dangereux.

Voici l'extrait complet:

Alexandre Astier donne son avis sur la
Télé-Réalité

Un refus d'apprendre?

Renvoyer du revers de la main une discussion avec votre intelligence, avec cette idée que c'est "une prise de tête", est précisément rejeter la réflexion en la redirigeant vers la bêtise. De là à conclure que l'interlocuteur vous trouve bête est un raccourci qui vous regarde (bien que vous l'y ayez invité).

Dernièrement, on peut observer que tout le monde a un avis sur Facebook, WhatsApp, les emails, son iPhone, mais personne ne sait ce qu'est une adresse IP, un serveur, une requête ou le cloud. Si vous demandez aux gens ce qu'est la sécurité, on vous répondra que c'est un mot de passe. Les gens ne savent pas, mais ils sont pour un passeport numérique, ou contre. Je pense qu'on a le droit d'être contre ou pour, pourvu qu'on sache ce qu'il en est véritablement. Ce fameux QR code chiffré... qu'est-ce que c'est ? C'est ce qu'on appelle "développer son intelligence".

Certains sont dans le déni. Ils pensent qu'en évitant les mots, ils évitent le phénomène. Ils pensent qu'il suffit de fuir par la négation afin de ne pas avoir à affronter l'inévitable. Je pense qu'ignorer ou nier le réel conforte la bêtise. Cela la renforce dans ce sens où, les contextes évoluant, l'ignorance volontaire creuse le gap entre des idées que l'on a eues un temps et les notions nécessaires pour appréhender le monde aujourd'hui. Autrement dit, cela favorise la croyance au détriment de la connaissance.

D'autres pensent qu'approfondir un sujet ne serait qu'une perte de temps. Qu'il y a une vie à vivre et que s'embarrasser de connaissances précises les prive du court temps dont ils disposent pour se divertir ou avoir une vie heureuse, loin des problèmes. Je pense que croire n'est pas savoir et que l'évidence ou le bon sens sont souvent les failles pour exploiter des biais cognitifs, sans parler du hors-sujet.

Dans le cas des nouvelles technologies, elles sortiront de leurs boîtes, nous ne les ferons pas rentrer. Il faut réfléchir très clairement aux implications personnelles, professionnelles, sociales et familiales de ces technologies. Pour toutes ces raisons, je suis opposé à cette idée qui consiste à banaliser un risque parce qu'on ne le connaît pas ou qu'on ne comprend pas sa proportion. Comprendre est un prérequis à s'adapter. Refuser une souveraineté intellectuelle est une forme d'abandon du libre arbitre.